Ferrari garde la main sur la marque TESTAROSSA, même à travers l’occasion

Un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 juillet 2025 dans l’affaire T‑1103/23, apporte une précision intéressante en matière de déchéance de marque.

En l’espèce, il s’agissait de déterminer si la société Ferrari pouvait conserver ses droits sur les marques TESTAROSSA, malgré une action en déchéance pour non-usage introduite en 2015. Problème : Ferrari avait cessé la production de son modèle TESTAROSSA depuis 1996.

Par une décision de la Division d’annulation de l’EUIPO, confirmée par la Chambre des recours en 2023, la marque TESTAROSSA avait été annulée pour les produits suivants :
« Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; véhicules terrestres à moteur ; automobiles ; pièces de structure et de rechange, leurs composants et accessoires, tous compris dans cette classe ; freins, moteurs, pneumatiques pour véhicules terrestres à moteur compris dans cette classe ; bicyclettes, vélos à moteur, camionnettes et camions. »

Selon la Chambre des recours, Ferrari n’avait plus vendu de véhicules TESTAROSSA depuis 1996. Les ventes d’occasion étaient assurées par des revendeurs indépendants, sans lien contractuel avec Ferrari. Or, la Chambre rappelle qu’un usage sérieux peut être prouvé par l’usage fait par des tiers uniquement s’il est réalisé avec l’autorisation active, et non passive, du titulaire de la marque.

Pour la Chambre des recours, le simple fait que Ferrari ait toléré les reventes d’occasion ne suffisait pas. La jurisprudence est claire : la revente d’un produit d’occasion marqué ne constitue pas, en elle-même, un usage sérieux. L’usage de la marque s’est produit lors de la première mise sur le marché du produit neuf. En revanche, si le titulaire continue à exploiter la marque dans le cadre de ces reventes, l’usage sérieux peut être caractérisé (CJUE, 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18).

En réalité, le consentement actif n’est pas juridiquement nécessaire : en raison de la règle de l’épuisement des droits, Ferrari ne pouvait de toute façon pas s’opposer à ces reventes.

Mais le Tribunal va plus loin : il identifie des éléments démontrant que certaines TESTAROSSA avaient été revendues par des concessionnaires officiels Ferrari, et que Ferrari offrait un service actif de certification des véhicules d’occasion TESTAROSSA. Ce service permettait d’assurer la qualité et l’origine des véhicules, ce qui témoigne d’un usage actif de la marque.

Concernant les pièces détachées, également visées par la déchéance, le Tribunal estime que la Chambre des recours aurait dû tenir compte des éléments apportés par Ferrari. La marque justifiait notamment détenir un quasi-monopole sur la vente des pièces détachées d’origine pour anciens modèles. Le Tribunal considère que ces éléments suffisaient à établir un usage sérieux pour ces produits.

Conséquence : la décision de la Chambre des recours est annulée.

Cette affaire pourrait encore évoluer devant la CJUE compte tenu des questions de droit qu’elle soulève. À suivre, donc…

Pour mémoire, cette action en déchéance avait été introduite par Monsieur Kurt Hesse, dirigeant de la société Autec AG (Nuremberg), spécialisée dans les circuits automobiles (CARRERA), voitures miniatures et jouets techniques. Monsieur Hesse est également à l’origine d’une série de contentieux visant des marques emblématiques, dont TESTAROSSA et PORSCHE.