Rappel de l’EUIPO : Tenter de tirer profit de la guerre est contraire à l’ordre public

L’EUIPO a refusé l’enregistrement de la marque “RUSSIAN WARSHIP GO F**K YOURSELF” (et sa traduction en russe) sur le fondement de l’article 7(1)(f) du Règlement sur la marque de l’UE qui interdit l’enregistrement des marques qui sont « contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ».

Lien vers la décision sur le site de l’EUIPO

La marque en question a été déposée au nom de l’administration des douanes ukrainienne, dépendant du ministère de la défense, et elle reprend la célèbre formule qui aurait été adressée par des gardes côtes ukrainiens à un croiseur russe qui leur demandait de se rendre.

Il est difficile de savoir ce que  l’administration des douanes prévoyait de faire avec cette marque, dans la mesure où son dépôt désignait des produits très divers en classes 9, 14, 16, 18, 25, 28 et 41, allant des appareils de géolocalisation aux bijoux, en passant par les sacs, les vêtements et même les jouets et articles de sport (!).

L’EUIPO a, selon nous très justement, refusé cette marque à l’enregistrement en dénonçant une volonté de tirer un profit financier et commercial du drame que constitue la guerre.

L’examinatrice reconnaît dans sa décision que, commercialiser des produits tels que des bijoux, des jouets, des montres etc sous cette marque banaliserait l’invasion russe en en tirant un gain commercial, « regardless of the fact that the war is destroying the lifes of innocent citizens every single day since 24th Februar 2022 ».

Dans ses arguments pour contester le refus de l’EUIPO, la déposante a notamment considéré qu’elle était elle-même victime de la guerre en tant qu’administration ukrainienne, et que de ce fait, elle devait être recevable à obtenir l’enregistrement de cette marque. L’EUIPO répond à cet argument de façon très claire en rappelant que la contrariété à l’ordre public d’une marque n’est jamais étudiée au regard de la personnalité du déposant.

C’est là la rappel le plus important de cette décision de refus. Le caractère offensant d’un dépôt de marque n’est pas examiné en fonction de la personne du déposant.

En l’espèce, selon l’examinatrice de l’EUIPO ayant rendu cette décision, le fait que la déposante soit une administration ukrainienne relevant du ministère de la défense de ce pays est un argument inopérant sur l’appréciation du caractère offensant de la marque.

Parmi les arguments mis en avant par la déposante, nous relevons le point n°12, dans lequel elle considère que, dans la mesure où la majorité de la population de l’UE soutient la cause ukrainienne et que dans la mesure où la population européenne a donné des milliards d’euros pour soutenir l’Ukraine… alors cette même population ne pourra considérer cette marque comme étant offensante (!).

La réponse de l’EUIPO sur ce point est cinglante (traduction libre) : « Le fait que l’UE et des particuliers aient soutenu l’Ukraine face à la guerre en donnant des milliards d’euros, ne rend pas un signe offensant enregistrable. L’UE et ses citoyens ont donné de l’argent « à perte », non pas pour gagner de l’argent ; mais uniquement pour des raisons humanitaires, et pas pour que ces efforts soient labellisés par une expression aussi offensante ».

L’EUIPO refuse donc l’enregistrement de cette expression à titre de marque considérant que le contexte entourant cette expression et sa grossièreté sont incompatibles avec la commercialisation des biens désignés et plus généralement avec toute activité commerciale.

La déposante à fait appel de cette décision…à suivre donc.