Vers une reconnaissance légale des assignations en contrefaçon…”légères”?

La sénatrice Sylvie Robert, a déposé le 6 juillet 2023, une proposition de loi portant réforme de la preuve de l’originalité de l’œuvre.

Lorsque les titulaires de droit d’auteur agissent en justice en contrefaçon, ils doivent dès leur assignations établir l’originalité des œuvres qu’ils revendiquent.

Cette proposition de loi, établit donc un renversement de la charge de la preuve dans les actions en contrefaçon.

La proposition de loi ajouterait un nouvel alinéa à l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle qui serait rédigé en ces termes : « Il appartient à celui qui conteste l’originalité d’une œuvre d’établir que son existence est affectée d’un doute sérieux et, qu’en présence d’une contestation ainsi motivée, à celui qui revendique des droits sur l’œuvre d’identifier ce qui la caractérise ».  

Selon le principe ancien et toujours en vigueur, il appartient au titulaire d’une œuvre d’apporter dès son assignation en contrefaçon les éléments d’originalité qui confèrent à son œuvre la protection du droit d’auteur. Logiquement, c’est au défendeur, prétendu contrefacteur qu’il appartient, en défense et reconventionnellement, de contester l’originalité de l’œuvre qui est invoquée.  

Le système actuel est bien défini et expliqué par le Professeur CARON dans son article dans la Communication Commerce électronique n° 4, pour l’édition d’avril 2013 : « L’assignation paresseuse appartient donc au passé. Et c’est tant mieux car la protection du droit d’auteur doit se mériter et ne pas être accordée à la légère. Il n’est donc plus possible de se contenter d’affirmer être victime d’une contrefaçon sans dûment identifier l’œuvre contrefaite et celle qui serait contrefaisante, tout en s’abstenant de communiquer les pièces qui permettent d’étayer ces affirmations. Désormais, les plaideurs doivent identifier les œuvres concernées, prouver leur originalité et la titularité de leurs droits, puis les comparer précisément aux créations contrefaisantes en mettant en exergue les ressemblances, et ce œuvre par œuvre. »

Pour l’ADAGP, Société des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques, cette proposition de loi est une avancée précieuse et essentielle qui met fin à un obstacle à la protection des œuvres trop souvent utilisées sans autorisation. En effet, pour cette société composée d’auteurs que la preuve de « l’originalité de chacune des créations concernées, […] est matériellement très difficile voire impossible à établir ».

La défense des droits d’auteur risque d’être complètement bouleversée par ce renversement de la charge de la preuve en faveur (peut-être) du demandeur. Nous considérons que cette réforme risque de voir se multiplier les assignations en contrefaçon « légères » voir « paresseuses ». En plus, contrairement à ce que prétend la société des auteurs, les demandeurs n’échapperont pas au travail de définition des éléments d’originalité de leurs œuvres dans le cadre d’un contentieux, mais il sera fait en réponse à une demande reconventionnelle.