La marque JUST FUCKING GOOD WINE est refusée par l’EUIPO…pas tout à fait d’accord

La société Hollandaise Neleman Group Holding a déposé une marque de l’Union Européenne semi-figurative constituée de l’expression JUST FUCKING GOOD WINE pour désigner des vins pétillants en classe 33 :

La demande de marque de l’UE est refusée par l’EUIPO en raison de son caractère offensant en application des dispositions de l’article 7 (1) f du Règlement sur la marque de l’Union Européenne qui prévoit que les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont refusées à l’enregistrement.

L’EUIPO a considéré que la présence du mot FUCKING était contraire aux bonnes mœurs notamment en ce que cette expression pourrait être appréhendée par des enfants qui pourraient en être choqués.

Selon l’examinateur de l’EUIPO, même si le mot FUCKING fait ici référence au mot GOOD pour former l’expression positive « FUCKING GOOD », l’usage du « F word » sera toujours considérée comme offensante.

Le fait que l’office du Benelux ait admis la même marque (désignée comme ancienneté) à l’enregistrement et que plus de 10 marques contenant le mot FUCK aient été acceptées précédemment par l’EUIPO ne sont pas des arguments recevables pour l’examinateur de l’EUIPO qui précise dans sa décision que le caractère enregistrable d’une marque de l’Union Européenne doit être apprécié uniquement sur la base du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne et que le principe d’égalité de traitement doit toujours être concilié avec le principe de légalité.

La société déposante a formé appel contre cette décision de refus de l’EUIPO devant la Chambre des Recours de l’EUIPO.

Parmi les arguments d’appel de la société déposante nous notons qu’elle considère que la référence faite aux enfants dans la décision de l’EUIPO ne devrait pas être pertinente dans la mesure où les biens désignés sont des vins pétillants, et que donc, le public ciblé est un public adulte (les boissons alcoolisées se vendant dans des rayons ou des commerces spéciaux).

L’appelante invoque également la circonstance que le mot FUCKING est quasiment entré dans le langage courant et que, s’il a été offensant à une certaine époque, il ne l’est plus du tout aujourd’hui. Elle ajoute sur cet argument, et je cite : « the Office’s consideration that the original meaning has not become more remote and forgettable, is therefore incorrect, outdated an paternalistic” (autant traiter directement l’examinateur de lEUIPO de « vieux ringard paternaliste »).

Enfin, l’appelante rappelle à l’EUIPO qu’il devrait appliquer un principe de sécurité juridique et de cohérence entre les différentes décisions qu’il rend dans la mesure où l’office à très récemment rendu une décision acceptant l’enregistrement de la marque de l’Union Européenne « Fack Ju Göhte ».

La Chambre des Recours de l’EUIPO confirme le refus de l’office en considérant notamment que même s’il est vrai que l’usage de l’expression FUCKING a tendance à devenir usuelle dans le langage commun, notamment quand elle fait référence à un autre terme de sorte à former une expression positive (comme FUCKING GOOD), un tel usage n’est pas encore totalement admis et ne fait pas disparaitre le caractère offensant « original » du terme FUCKING.

Il est intéressant de noter que la Chambre des Recours fait souvent référence au mot FUCKING comme au « taboo english word », or cette notion de taboo word (ou de F WORD) est très anglo-saxone (d’ailleurs quasiment exclusivement américaine et un peu anglaise)…l’EUIPO a oublié que le Brexit était passé par là et qu’aujourd’hui l’anglais n’est, dans l’UE, la langue officielle que de l’Irlande, Malte et Chypre.

L’EUIPO devrait donc peut être reconsidérer ses références à la sensibilité des « native English-speaking public in the European Union » tout commeaux « members state with english as an official language » qui ne sont selon moi plus prédominants dans l’UE aujourd’hui.

Ainsi, selon moi, bien que JUST FUCKING GOOD WINE ne soit pas une marque élégante, elle ne devrait pas être pour autant considérée comme contraire aux bonnes mœurs, et surtout il convient de rappeler à l’EUIPO que FUCKING reste un terme grossier mais qu’il n’y a pas TABOO WORD absolu en Union Européenne aujourd’hui.